La rafle du 20 août 1941 et l'ouverture du Camp de Drancy
Le 20 août 1941 la police parisienne cerne le XIe arrondissement et arrête 2 894 Juifs. Pendant les trois jours suivants, des rafles sont effectuées dans les autres quartiers de Paris et le bilan s'élève à 4 232 Juifs arrêtés, dont environ 1 500 français. Ils sont tous internés au Camp de Drancy, ouvert le 20 août. Ils sont rejoints par 52 membres du barreau de Paris, arrêtés à leur domicile.
 
Le Camp de Drancy sous Dannecker
(20 août 1941 - 16 juillet 1942)
Les premiers internés Juifs du Camp de Drancy arrivent ici le 20 août 1941, à la suite de la rafle dénommée " rafle du 11e arrondissement " car la plupart des 4 232 Juifs arrêtés habitaient ce quartier. Au Camp de Drancy, rien n'a été prévu pour accueillir un si grand nombre d'hommes. Les bâtiments ne sont pas achevés et pendant les premières semaines les internés doivent coucher sur le béton armé. La famine sévit et un marché noir se développe, à l'initiative des gendarmes du camp. La famine provoque des décès et 800 personnes très affaiblies sont libérées début novembre. Les internés sont alors autorisés à recevoir un colis alimentaire et ont droit à une correspondance.
 
La structure administrative du camp est mise en place. Pendant la première année, le Camp de Drancy est placé sous l'autorité suprême de l'Allemand Dannecker, qui menace de son revolver les internés derrière les fenêtres. Un fonctionnaire français, nommé par la Préfecture de police, assure le commandement du camp et fait appliquer le règlement, œuvre de Dannecker. La garde extérieure et la surveillance intérieure sont assurées par un détachement de gendarmes français. Plusieurs services sont créés, assurés par les internés, sous la surveillance des gendarmes ou des représentants de la Préfecture de police. Le bureau des effectifs est placé sous la surveillance des inspecteurs de police. Le bureau militaire, administré par les internés, fournit des attestations de qualité d'anciens combattants et, à partir de juillet 1942, de femme de prisonnier de guerre. Le service des cuisines est administré par un économe nommé par la Préfecture de police qui nomme également un médecin " aryen " chargé de surveiller le service médical assuré par les internés.
Le premier convoi partant de Drancy
Le premier convoi parti de Drancy, le 22 juin 1942, est le convoi n° 3 (les deux premiers sont partis de Compiègne). Le convoi n° 3 est composé de 934 internés hommes du camp de Drancy et de 66 femmes, en provenance du camp des Tourelles. Ce convoi est parti de la Gare du Bourget-Drancy. 34 survivants de ce convoi sont rentrés en 1945, dont 5 femmes.
Les otages
A la suite d'un attentat contre un officier, les Allemands exécutent 70 otages au Mont-Valérien le 15 décembre 1941. Parmi les otages, 53 sont juifs, dont 44 emmenés du Camp de Drancy.
Mes dernières heures, ce soir 14 décembre 1941.
Ma maman que j'aimais tant.
Mon papa et meilleur ami.
Mes deux petites sœurs chéries.
Vous tous qui ne me verrez plus.
A quelques heures de mon exécution, ma main ne tremble pas, mais mon émotion est passée. J'attends. le sort m'a été contraire. Je ne peux plus rien changer. Dans quelques heures je serai une nouvelle et innocente victime… parmis tant d'autres.
J'aurais aimé m'entretenir avec vous. J'ai eu mes vingt et un ans loin de vous que j'aime plus que jamais. J'aurais voulu vous dire que je suis fier de vous ; de votre courages devant les épreuves passées.
La plus grande épreuve est maintenant arrivée. Je ne serai plus quand ces lignes vous parviendront. Je ne demande qu'une chose : que vous soyez plus fort que jamais, votre douleur, et je tremble quand vous saurez la vérité, je me l'imagine.
Elever un fils jusqu'à mon âge et le quitter dans de telles circonstances, c'est quelque chose de terrible à supporter. J'ai réfléchi souvent aux peines que je vous ai données : quand j'étais petit et que vous guidiez mes premiers pas. Vous avez fait de moi, j'ose l'écrire, presque un homme et tout cela pour… rien. Nous ne nous verrons plus. On ne m'appellera plus ni " maître " ni " grand-père ", ni " petit frère ", ni " grand frère ".
J'imagine votre peine car je commençais à goûter l'envie de créer aussi un foyer et quand je pensais à cela, j'imaginais le plaisir que j'aurais en vieillissant (quelle ironie d'écrire ce verbe : " vieillir ") de voir grandir mes enfants et je me promettais de les élevé, c'est-à-dire : honnêtes et droits. Courageux aussi. Du courage à toute épreuve, même celle qui m'est imposée.
Etre fort, je le suis. Courageux, comme on doit l'être, et je voudrais dire tout ce que je pense, hélas les mots ne me viennent pas. Je vous aimais, je vous aime et dans l'au-delà ( ?) aussi. Mais votre peine quand le pire sera arrivée, cela m'est pénible. Ah ! Maman, tes larmes, je les vois déjà, j'imagine ta douleur et je te vois courir vers ma photo qui se trouve sur mon petit bureau. Eh ! bien Maman, ma Maman, c'est à toi que je veux écrire un peu ; ta douleur sera grande. Cependant laisse-moi - c'est un mort vivant qui t'écrit - te dire que d'autre mamans pleurent leurs fils morts à la guerre.
Ma dernière volonté que je veux que tu suives est celle-ci : il faut que tu vives, tu es nécessaires à mes sœurs. Ne commet rien contre toi. Ta douleur sera vive. Il reste mes deux petites sœurs. Pour elles tu dois rester. Si tu faisais quoi que ce soit contre ton existence après ce qui va m'arriver dans quelques heures tu manquerais à ton devoir.
Parmi toutes les mères tu as été une mère exceptionnelle, parce qu'avec mon papa tu as fait de moi ce que je suis devenu.
Il faut faire de mes sœurs de braves femmes. Avec mon papa pour qui ces mots sont aussi valables vous devez élever mes petites sœurs. Des années heureuses viennent je le sens. Dans quelques années elles seront grandes et la paix revenues vous serez fiers d'elles. Si elles ont ma force de caractère, elles réussiront dans la vie. Je ne pourrai pas vous faire devenir grand-mère et grand-père, mais elles peuvent et elles devront vous donner cette joie que vous méritez tant.
Vivez, ne tentez rien par désespoir, je l'exige. Telle est ma dernière volonté.
Je l'exige. Telle est ma dernière volonté.
Moralement je veux vous dire que dans ces dernières heures je crois plus que jamais à tout ce que j'ai aimé. Je veux m'entretenir avec mes sœur. Jacqueline a quatorze ans, Yvette douze ans presque. Vous ne verrez plus votre frère. Ma petite rouquibiche et toi ma grande sœur, vous me comprendrez ? si ce n'est pas aujourd'hui, c'est plus tard. Je regrette de n'avoir pas donné plus de joie à mes parents. Les parents méritent plus de respect. Il méritent qu'on les choie, et leur rende la vie heureuse. Travaillez bien pour cela ; montrez leur ainsi que vous les aimez. J'exige de vous chaque soir vous réfléchissiez pour savoir si vous avez tout ce qui vous a été possible pour soulager la douleur de notre papa Chia comme je l'appelais quand j'étais petit pour le taquiner et de notre maman Temché.
Ah ! Temché, ah ! Chia et mes deux petite sœurs, la vie continue, mais elle mérite d'être vécue par vous. Elle doit vécue. Je le veux. Pas d'actes de désespoir. Soyez forts. Ma plus grande sœur, mon cheval que j'aimais vous aidera je le crois dans ces tristes circonstances. Qu'elle prenne soin de vous vous le méritez.
Vivez ! Soyez encore heureux tous les quatre Je le veux. Il vous reste de longues années à vivre, je l'espère.
Vivez ! Vivez ! Vivez ! Soyons dignes les un des autres.
Adieu. Je vais mourir, cela est le maximum pour vous. Vous allez souffrir. Mais tenez, soyez courageux, que mes sœurs me remplacent auprès de vous.
Je m'excuse de la peine que je vais vous faire.
Je vous prie tous les quatre de me pardonner la peine que je vais vous faire.
Il y aura pour vous des jours heureux.
C'est à cela que je pense et que je vous souhaite.
Votre fils,
Jacques.
Dernière lettre de Jacques Grinbaum fusillé le 15 décembre 1941.
Theodor Dannecker:
(1913-1945) Chef du service des affaires juives
de la Gestapo en France, de novembre 1940 à août 1942.
Assure la direction du Camp de Drancy du 20 août 1941 au 16 juillet 1942, par l’intermédiaire d’un commandant du camp, fonctionnaire français,nommé par la Préfecture de Police. Mort le 10 décembre 1945 dans la prison américaine de Bade-Tolz.